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mardi 23 mai 2017

24_Paradis ou enfer ?








Qu’on la nomme Avalon ou Bora-Bora, l’ile est le territoire du rêve. Mais surtout, on peut y rêver de tout ! Bien sûr, le palmier sur fond turquoise est l’image qui vous vient immédiatement à l’esprit, coincé à La Défense aux heures de pointe. Mais, dès que l’on se penche sur son histoire fantasmée, on découvre que l’ile est le couteau suisse de la fiction. On peut y mettre, au choix, des cannibales, des vahinés lascives, des médecins fous, des dinosaures, des bagnards ou des extraterrestres… car l’important n’est pas tant l’ile elle-même, mais ceux qui s’y trouvent avec vous.
Au cas où vous seriez toujours coincé à La Défense, vous rêvez sans doute de vous y trouver seul ou seulement avec ceux que vous auriez choisi. « Viens, viens mon amour, là-bas ne seraient point ces fous… », chantait Jacques Brel en 1962. Dès le Moyen Âge, on y place le Paradis. Bien avant, en Mésopotamie, c’est Dilmun « vierge de toutes choses, positives ou négatives. Le loup n’emporte pas l’agneau, il n’y a pas de vieillesse ou de maladie. » et, plus tard, elle devient le lieu des sociétés idéales imaginées par Thomas More ou Francis Bacon. Même lorsque l’on y échoue contre sa volonté, elle peut être l’occasion de redécouvrir l’essentiel et le contact avec une nature vierge des perversions de ce monde, mais pas toujours…

La parution du Robinson Crusoé de Daniel Defoe, en 1719, donna naissance à un genre littéraire – les fâcheux diraient sous-genre –, la robinsonnade. Les robinsons de tout poil proliférèrent dès lors aux siècles suivants et jusqu’à aujourd’hui – même si pour s’isoler, ils doivent désormais aller aux confins de la galaxie. Dans le roman original, Robinson est en enfer, accablé de solitude – en 1977, Brel revenait sur sa première impression en chantant « Gémir n’est pas de mise, aux Marquises » – et passe le plus clair de son temps à récupérer les lambeaux de civilisation qui passent à sa portée. Ce sont aussi leurs connaissances des “merveilles de l’industrie” qui sauveront les protagonistes de L’ile mystérieuse, de Jules Verne. Loin de fuir la civilisation, beaucoup de robinsons ne rêvent que de la retrouver. D’autant que l’on peut s’ennuyer ferme sur une ile, si l’on ne s’appelle pas Charles Darwin… La preuve en est que Tom Hanks, dans Seul au monde, en arrive à parler à son ballon de volley.


Égarés par nos rêves de liberté et de solitude, on oublie souvent que les iles font les meilleures prisons. Pour les espèces animales qui y vivent depuis longtemps, elles sont des espaces clos et des caisses de résonance pour la moindre perturbation. Car si l’isolement crée des espèces uniques, les écosystèmes y sont bien moins préparés aux changements. Nous ne pouvons plus sauver le loup des Falkland, mais le monarque de Tahiti et l’iguane marin des Galapagos resteront-ils longtemps au purgatoire, entre paradis et enfer ?

Cécile Breton



Ces deux naufragés, libérés après un interminable séjour sur une ile peuplée d’indigènes peu amènes, ne cachent pas que leur joie. “Le paradis terrestre” dans Le Livre des Très Riches Heures du Duc de Berry (vers 1480).

samedi 20 mai 2017

Les dinosaures revus et corrigés

Fossile de Dilophosaurus, ancien Saurischien et nouvel Ornithoscélidé ? (photo E. Solà, CC BY-SA 3.0).

Séisme chez les paléontologues : les fondations de la classification des dinosaures, largement acceptées depuis 130 ans, seraient-elles bancales ? Deux grands groupes frères avaient été définis dès le xixe siècle puis confirmés par la suite : les ornithischiens et les saurischiens, dont les os du bassin évoquent respectivement ceux des oiseaux et des reptiles. 

Arbre phylogénétique "classique" des dinosaures (crédit : Darren Naish/Tetrapod Zoology, avec son aimable autorisation).

Trois chercheurs britanniques remettent ces groupes en question à partir de nouvelles analyses phylogénétiques dont l’originalité est d’inclure un nombre de taxons inhabituellement élevé, y compris des espèces du Trias ayant vécu au début de l’histoire des dinosaures. Il apparaît que les saurischiens, jusqu’ici subdivisés en Théropodes (Tyrannosaurus, etc.) et Sauropodomorphes (Diplodocus, etc.), constituent un groupe paraphylétique. Les Théropodes seraient en fait moins proches des Sauropodomorphes que des Ornithischiens (Stegosaurus, Triceratops, etc.) et rejoignent donc ces derniers dans un nouveau groupe baptisé Ornithoscélidés. Les Sauropodomorphes restent, quant à eux, dans le groupe des Saurischiens, qui garde son nom et hérite au passage des Herrerasauridae (plus anciens dinosaures connus, dont la classification a toujours été problématique).

Nouvel arbre phyologénétique proposé par Baron et al. (crédit: Darren Naish/Tetrapod Zoology).

Ainsi corrigé, le nouvel arbre phylogénétique des dinosaures appelle à reconsidérer bien des connaissances élaborées sous des hypothèses qui semblent aujourd’hui erronées. Cela va de l’apparence des premiers dinosaures à l’évolution de leur régime alimentaire, en passant par leurs origines géographiques. L’avenir, avec son lot de fossiles inédits, dira si ce nouveau cadre d’études remplace l’ancien pour de bon.


Référence : Baron M. G. et al. 2017 - A new hypothesis of dinosaur relationships and early dinosaur evolution”, Nature, 543, p. 501-506 (doi: 10.1038/nature21700).

Julien Grangier