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mercredi 25 janvier 2012

Des larves de papillons élevées par des fourmis




La femelle Aricoris propitia et la fourmi de feu qui élèvera sa larve.
(photos © 2012 Lucas A. Kaminski and Fernando S. Carvalho-Filho)

Ce n'est pas le Livre de la jungle version insectes mais cela y ressemble fortement. Un article publié ces jours-ci par Psyche : a journal of entomology et rédigé par deux chercheurs brésiliens raconte l'étonnante histoire d'une larve de papillon élevée par des fourmis. Un exemple de plus qui montre les capacités symbiotiques entre fourmis et papillons, déjà observée dans d'autres continents.

 "Les associations symbiotiques entre les larves de papillons et les fourmis ont attiré l'attention des naturalistes d'Europe et d'Amérique du Nord depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais ces interactions sont peu connues dans la zone néotropicale (c'est à dire l'Amérique du sud, ndlr)", indiquent les chercheurs. Ceux-ci se sont donc intéressés aux premiers stades de la vie d'Aricoris propitia un papillon sud-américain, et en ont tiré d'impressionnantes images inédites.

Les fourmis de feu s'occupent maintenant de la santé de la larve.

Il s'avère ainsi que durant toute la période larvaire, des fourmis de feu (Solenopsis saevissima) se chargent de la protection du "petit" en le mettant à l'abri d'éventuels prédateurs. Puis, une fois que la larve est suffisamment grosse, elle dort la nuit et se repose le jour dans un abri sous-terrain construit par les fourmis ! La larve se nourrit ainsi sur les plantes-hôtes où ses baby-sitters l'ont déposé. Pendant ce temps, les fourmis de feu "profitent" de la présence de la larve pour se nourrir avec le nectar qu'elle produit. Pour les chercheurs, tout indique ainsi que A. propitia est un myrmécophile (c'est à dire vivant en symbiose avec des fourmis) naturel associé aux fourmis de feu.
La journée, les larves, devenues très grosses, se réfugient dans un abri constitué
par les racines d'une plante-hôte, préparé par les fourmis de feu.


Par ailleurs, les fourmis de feu sont connues pour être l'une des espèces les plus invasives de la planète, pouvant même être dangereuses pour l'homme par le venin qu'elles peuvent lâcher par leur dard, quand elles se sentent agressées. Originaires d'Amérique du sud, elles sont arrivées en Amérique du Nord dans les années 1930, via des cargos infestés venant du Brésil. Leur introduction accidentelle s'est produite de la même façon en Australie, en 2001. En 2005, elles ont posé le pied à Manille pour la première fois, venue d'avion des Etats-Unis.

 Julien Balboni

dimanche 8 janvier 2012

La lettre de Jean Jouzel à l'Institut de France

On sait Claude Allègre fâché avec une bonne partie de ses confrères scientifiques. Et le fossé creusé n'est pas prêt de se boucher. Alors que le géochimiste et ancien ministre de l'Education nationale revient dans l'actualité politique par le biais d'un livre sur Nicolas Sarkozy, ses - nombreux - opposants du monde scientifique se défient.

Ces dernières semaines, Claude Allègre a provoqué une succession de démissions au comité sociétal d'EDF après le soutien financier apporté par cette entreprise à Ecologie d'avenir, la fondation dirigée par l'ancien ministre. Avant le philosophe Dominique Bourg, c'était Jean Jouzel, l'ancien président du conseil de l'environnement d'EDF qui a tiré sa révérence, en fin d'année dernière. Jouzel, membre du GIEC et éminent spécialiste mondial de la climatologie ne s'était pas encore exprimé sur ce sujet. Interrogé dimanche par Espèces, il a précisé les raisons qui l'ont poussé à agir ainsi.

"Le vrai problème, ce n'est pas EDF, c'est Allègre. J'ai démissionné car il montre des valeurs que je ne partage pas du tout. Ce n'est pas le fait qu'il soit sceptique sur les travaux des climatologues. Le désaccord, c'est tout à fait sain. Mais le problème est éthique. L'éthique est une valeur complètement absente chez Claude Allègre. On ne traite pas ainsi les gens de "mafieux".

Quelques mois auparavant, 60 académiciens des sciences s'étaient fendus d'une lettre au chancelier du prestigieux Institut de France, qui réunit les cinq grandes académies, pour protester contre la nomination de Claude Allègre comme président du comité d'orientation d'Ecologie d'avenir.

Jean Jouzel avait, lui aussi - et de manière individuelle - écrit au chancelier pour regretter "l'erreur faite" par l'Institut de France. Voici son courrier, daté du 7 novembre :


Ecologie d'avenir se propose"d'aider à développer des analyses et proposer des solutions concernant les questions qui se posent dans les relations entre l'homme et son environnement", précise Claude Allègre, dans son éditorial, sur le site de la fondation. "L'association étroite de la fondation avec l'Académie des sciences et l'Institut de France garantit la qualité scientifique des débats et des propositions qui, nous l'espérons, pourront éclairer le développement économique futur que nous souhaitons durablement en croissance".

A l'origine du conflit entre Claude Allègre et de nombreux scientifiques français, la charge violente contre le GIEC (Groupement intergouvernemental pour l'étude du climat) dans son livre L'imposture climatique, où l'ancien ministre, traitait ses membres "d'imposteurs", participant d'un "système mafieux", "d'ayatollah" et de "fanatiques". Tout cela, Sylvestre Huet, journaliste scientifique à Libération, le raconte très bien dans son blog.

A noter que la fondation Ecologie d'avenir envisage de ne pas traiter de climatologie - qui "n'existe pas en tant que discipline scientifique", expliquait Allègre en 2008 - parmi ses travaux. Pour Jean Jouzel, "le seul fait de ne pas vouloir parler du climat au sein d'une fondation d'écologie est un non-sens".

Julien Balboni

vendredi 6 janvier 2012

La souris, meilleure amie des alcooliques

Un métabolisme bien supérieur à celui de l'être humain
et une mine d'information pour les laboratoires de recherches.

Mercredi, un laboratoire français a annoncé s’être doté d’un vaste laboratoire de recherche sur la dépendance à l’alcool.  Le Grap (Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances) d’Amiens, lié à l’Inserm, affirme ainsi posséder le seul labo en France à utiliser la vaporisation d’alcool pour susciter cette maladie chez l’animal, en l’occurrence des rongeurs (rats ou souris). Pour les chercheurs de l’Inserm, il s’agit de soumettre durant 14 heures par jour leurs sujets à des vapeurs d’alcool. Une fois dépendants, les rats de laboratoires ont ensuite le choix d’appuyer sur un levier de leur cage pour libérer une solution d’alcool à 10%. Et là, très rapidement, les rongeurs se mettent dans des états pas possibles.


C’est ainsi que les chercheurs ont réussi à montrer qu’un rat-témoin, non dépendant à l’alcool, appuie entre trois et six fois moins qu’un rat alcoolo-dépendant sur le “levier-barman” afin qu’on lui serve à boire quelque chose d’un peu fort. L’intérêt applicable de la chose est de pouvoir tester l’efficacité de traitements pharmacologique pour que le cobaye réduise sa consommation.

C’est que les rongeurs ont un métabolisme particulier qui en fait potentiellement d’incurables soiffards. Bien qu’en règle générale, ils ne soient pas friands du goût de l’alcool, ils ont une capacité métabolique “quatre fois supérieure à celle d’un être humain” *

Coïncidence des calendriers, une équipe de chercheurs de l’Université de Californie, aux Etats-Unis, a découvert qu’une drogue permettait aux rongeurs de “désaoûler” à une vitesse jamais vue. Publiée dans le Journal of Neuroscience et reprise sur sciencenews.org, cette nouveauté ouvre de grandes perspectives. Ainsi, ces chercheurs américains ont montré que des rongeurs sous drogue – dihydromyricetine ou DHM, issue de l’arbre asiatique Hovenia dulcis – peuvent boire tout en étant capable de se mouvoir et de retrouver leur chemin. Et, qui sait, de se souvenir de leur digicode, de retrouver leurs clés dans leur poche et de rentrer chez eux sans réveiller leur compagne.

Blague à part, l’autre effet “miracle” de cette DHM,  selon Steven Paul, du Weill Cornell Medical College, à New York, est d’empêcher l’addiction à l’alcool ! Les chercheurs envisagent maintenant de tester la DHM sur l’être humain.

Gaver des cobayes d’alcool est une méthode utilisée depuis longtemps par la recherche. Et le rapport des animaux avec ce produit a été maintes fois étudié. C’est ainsi qu’à partir des années 1980, le psychologue américain Ronald K. Siegel, lui aussi de l’université de Californie, avait développé toute une théorie autour de l’alcoolisme latent de certains animaux. Pour lui, ils peuvent s’enivrer intentionnellement pour lutter contre le stress et les souffrances de leur vie. Siegel ne s’est pas arrêté là, il a également voulu connaître et décrire les réactions d’animaux sous l’effet de drogue. Son plus bel ouvrage : mettre des éléphants sous LSD. Peut-être que dans leurs rêves, ces derniers voyaient des petites souris roses danser. Ou tituber, plutôt.




Julien Balboni


*Sept grammes d’alcool pur par kilo de poids et par jour sont une quantité “suffisante”, selon les chercheurs de l’Inserm, pour qu’un rongeur soit considérée sous alcool. A titre de comparaison, un homme de 80 kilos devrait ingurgiter 560 grammes d’alcool pur par jour pour tenir la distance. C’est à dire, à la louche,  56 demis de bière.

mercredi 4 janvier 2012

Le "crocoduck", la meilleure blague des créationnistes


Et s'il était le chaînon manquant ?

L'histoire n'est pas récente mais tellement croustillante qu'un léger rappel ne peut pas faire de mal. Le temps a passé. Kirk Cameron n'est plus ce jeune enfant-star, placardé sur les murs de millions d'adolescentes à travers le monde. La série télé Quoi de neuf docteur ? (Growing pains, en VO) a pris fin depuis longtemps, la carrière de Cameron s'est ralentie et a pris le tour évangélique d'un militantisme pro-créationnisme. Jusqu'ici, rien de si étonnant. Mais Kirk Cameron est alors invité à un débat sur l'existence de Dieu retransmis par le network ABC, en mai 2007.

 Au bout d'une longue diatribe anti-darwiniste, Cameron finit par brandir une grande image représentant un être hybride à tête de crocodile et pattes de canard. Un "crocoduck". Stupeur dans l'assistance. L'argument développé par l'ancien Mike Seaver est le suivant : "la non-existence du crocoduck prouve que Dieu existe et que la théorie de l'Evolution ne vaut rien". En gros, il s'agit de montrer que si les espèces évoluaient, alors il existerait des fossiles d'espèces de transition tel cet hilarant crocodile-canard. La méthode de Cameron est simple : il s'agit d'interpréter de manière grossière les bases de la théorie de l'évolution afin de la tourner en ridicule. Ce faisant, il ne parvient généralement qu'à convaincre les personnes totalement pas au fait de la théorie darwinienne.


Le petit Kirk Cameron a bien grandi.

Naturellement, cet argument a été reçu par une volée de bois vert de la part de la communauté scientifique. Au point que le célèbre théoricien de l'évolution, le britannique Richard Dawkins, a cru bon de réagir dans son livre Le plus grand spectacle du monde. Il a ainsi expliqué - fallait-il en venir là ? - que les canards ne descendent pas des crocodiles.

L'histoire aurait pu simplement s'arrêter là. Mais l'évolution sait parfois faire de très bonnes blagues. En 2009, des chercheurs de l'Université de Chicago découvrent au Niger de nouveaux fossiles appartenant à un dinosaure inconnu portant un bec similaire à celui d'un canard et une longue queue qui pourrait être celle d'un crocodile. Le specimen est nommé Anatosuchus minor, ou "duck-croc", le crocodile canard. Un éclat de rire géant secoue le monde qui gravite autour du débat création/évolution. Finalement, le crocoduck existait bel et bien. Et la blague continue à tourner. Chaque année, des internautes peuvent voter pour le "golden crocoduck award" qui récompense le discours créationniste le plus drôle/pathétique/stupide. Vous pouvez voter pour désigner le vainqueur 2011. Le crocoduck a encore de beaux jours devant lui.

 J. Balboni

mardi 3 janvier 2012

Pour en finir avec la fin du monde


Sous les eaux du Laacher See, en Allemagne,
la caldeira d'un immense volcan. (photo DR)

Demi-surprise pour ceux qui utilisent le mail de yahoo : sur la page de garde, d'ordinaire franchement racoleuse, figure un bel article intitulé sobrement "un énorme volcan menace l'Europe". Après la crise financière, la crise volcanique ? "Un volcan allemand caché sous les eaux serait sur le point d'exploser et inquiète les scientifiques", poursuit l'accroche de l'article.  

Une rapide investigation - c'est à dire un clic un brin honteux - permet d'en savoir plus sur l'origine de cette information. Il faut aller chercher du côté du Daily Mail, célèbre quotidien britannique, qui se réjouit visiblement de mettre de l'huile dans le volcan médiatique. Pour les non-anglophones et ceux qui ne désireraient pas s'abimer les yeux, l'article se résume en quelques phrases citant - sans les nommer - des "scientifiques" et "chercheurs" inquiets de l'activité du Laacher See. Plus quelques phrases chocs, du style "la menace cachée : le Laacher see semble tranquille mais sous ses eaux gît un volcan qui pourrait dévaster l'Europe".  

Pour information, le Laacher see est effectivement un volcan toujours en activité. Il est entré en éruption pour la dernière fois il y a 12 900 ans, causant des dégâts gigantesques et répandant ses cendres à travers l'Europe. Durant l'éruption, sa chambre magmatique s'est vidée et a provoqué un effondrement. Puis a donné naissance à une vaste caldeira, c'est à dire une vaste dépression circulaire entourée de falaises. La caldeira de Laach a enfin été recouverte d'eau. Le lac fait 3,5 km2 pour une profondeur maximale de 55 m et se situe à quelques dizaines de kilomètres de Bonn et Cologne. Son activité volcanique se poursuit et des dégazages modestes et réguliers s'y produisent, ainsi que des épisodes sismiques de faible intensité  

Pour le Daily mail et les nombreux médias qui l'ont repris à travers l'Europe, ces dégazages montrent que le danger est à nos portes. Pour le volcanologue Erik Klemetti, il s'agit d'abord et surtout d'une paresse journalistique doublée d'une volonté de surfer sur la vague de la fin du monde, prétendument prévue pour 2012. Du clic assuré. "C'est comme si le Daily Mail titrait "Un énorme cyclone va s'abattre sur Londres" après avoir vu un nuage à travers la fenêtre", sourit-il, jaune. Selon Erik Klemetti, aucun élément ne vient montrer que l'activité de dégazage du volcan a augmenté ces derniers mois. Il embraye : "laissez moi le répéter : il n'y a aucune preuve scientifique pouvant indiquer la fin du monde en 2012". On est à peine le 3 janvier, l'année risque d'être longue. Si on en voit le bout !  

Julien Balboni

lundi 2 janvier 2012

Pour l'encens, ça sent le sapin

C'est à partir du frankincense, cette résine aromatique issue des arbres du genre Boswellia,
qu'est tiré l'encens. (cliché DR)

Trouver de l'encens naturel risque d'être de plus en plus compliqué. L'encens Frank (en anglais, frankincense), cette résine naturelle à la base de la fabrication de l'encens est "condamnée", selon une publication britannique, le Journal of Applied Ecology, reprise par l'AP. Cet encens est obtenu à partir du Boswellia, un genre d'arbre que l'on ne retrouve que dans la corne de l'Afrique et la péninsule arabique. Il en est produit environ 2000 tonnes par an, dans le monde.

L'étude des chercheurs, de nationalité éthopienne et hollandaise, menée sur une douzaine d'espèces de Boswellia, a montré que, chaque année, entre 6 et 7 % des adultes de chacune de ces espèces mourraient, soit par le feu, par des attaques d'insectes ou du fait des herbivores friands de ses branches. Au final, la quantité d'arbres pourraient être divisé par deux en quinze ans et par dix en cinquante ans.

Pour Frans Bongers, de l'université hollandaise de Wageningen, interrogé par l'AP, "l'évolution actuelle des populations de Boswellia est clairement insoutenable. Nos modèles montrent que d'ici 50 ans, ces populations seront décimées, et que la production d'encens est condamnée". La surexploitation serait-elle une cause de ce déclin ? Pour les chercheurs, la réponse est non : il faut aller chercher les raisons du côté du brûlis, de la pâture et des capricornes (ou longicornes) qui pondent leurs oeufs sous l'écorce des arbres.

Conséquence : l'encens pourrait disparaître à moyen terme des lieux de culte où il est encore largement utilisé. Et quitter la liste des cadeaux apportés par les rois mages au petit Jésus.

Julien Balboni