Un banc de poissons dans les eaux de Sodwana Bay (Afrique du Sud), où des chercheurs sont allés placer des micros (photo Matt Kieffer, CC BY-SA 2.0). |
Oubliez ce qu’on dit des carpes :
les poissons sont en fait plutôt bavards. Ils communiquent souvent par des sons,
qu’il s’agisse d’attirer l’attention d’un partenaire sexuel ou de défendre un
territoire. Ce langage est assez bien étudié au niveau individuel, mais le
« paysage sonore » produit à l’échelle de toute une communauté de
poissons était jusqu’ici inconnu. S’entend-on parler dans ce brouhaha
aquatique ?
Pour le savoir, des chercheurs ont mis les profondeurs marines sur écoute : des microphones ont été placés à plus de 100 m sous le niveau
de la mer, le long de canyons sous-marins situés au large de l’Afrique du Sud. L’endroit
semblait propice à l’interception de bavardages car son relief accidenté abrite
de nombreuses espèces, dont le célèbre coelacanthe.
Et en effet, deux semaines
d’enregistrement ont suffi à récolter plusieurs milliers de sons. Leur examen
minutieux révèle qu’au moins 17 espèces se sont exprimées (16 poissons et un
cétacé), dont certaines de façon très variée. Les chercheurs ont aussi découvert
que les poissons se répartissaient en deux groupes (diurne et nocturne) et que les sons produits la nuit se distinguaient plus clairement les uns des autres que ceux produits le jour. Autrement dit, le
paysage sonore nocturne est moins cacophonique.
D’après les biologistes, ce
« partitionnement » s’expliquerait par l’impossibilité pour les
poissons nocturnes d’accompagner les sons qu’ils émettent de signaux visuels,
comme le font couramment leurs collègues diurnes (à la manière, par exemple,
des « danses nuptiales » chez les Dascyllus).
Dans la communauté de poissons nocturnes, l’obscurité aurait donc constitué une
contrainte importante dans l’évolution de la communication sonore, conduisant à
une différentiation marquée entre espèces. Ces résultats ouvrent la voie vers
une meilleure compréhension d’un phénomène qui interroge de plus en plus :
les interférences entre les multiples sons produits par les activités humaines
et ceux régissant la vie aquatique.
Référence :
Ruppé L., Clément G., Herrel A., Ballesta L., Décamps T., Kéver L. et
Parmentier E. 2015 – “Environmental constraints drive the partitioning of the
soundscape in fishes”, PNAS (doi: 10.1073/pnas.1424667112).
Julien Grangier
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