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vendredi 10 juillet 2015

Les mésanges incollables sur les stocks de chenilles

Une mésange charbonnière (photo Frank Vassen, CC BY 2.0).

Les amours printanières ne se font pas forcément à la légère. Pour bien des animaux, il est essentiel de bien choisir ses dates de reproduction. Idéalement, la croissance des jeunes, période de forte demande énergétique, devra coïncider avec le pic d’abondance des ressources alimentaires. Avant de s’accoupler, il s'agit donc de détecter des signes annonçant l’émergence des ressources dont les jeunes auront besoin. Comment font les animaux et à quel point y parviennent-ils ? Des questions de plus en plus pressantes alors que le réchauffement global modifie déjà la phénologie de nombreuses espèces.

Selon une nouvelle étude, les mésanges charbonnières (Parus major)  synchronisent très précisément leur reproduction avec l’état des ressources proches de leur nid. L’affaire n’est pourtant pas simple. Les mésanges nourrissent leurs oisillons principalement avec des chenilles de phalène brumeuse (Operophtera brumata) et ces chenilles ne vivent qu'un court instant au printemps car elles mangent exclusivement les jeunes feuilles de chêne (Quercus spp.).
 De quelque nature qu'il soit, le jeune a faim: les oisillons réclament des chenilles de la phalène brumeuse, qui elles-mêmes se jettent goulûment sur les feuilles de chêne immatures (photos J-D Echenard CC BY-ND 2.0, D. Hobern et R. Verzo CC BY 2.0).  

Pour clarifier l'emploi du temps de tout le monde, des biologistes ont observé oiseaux, chênes et chenilles pendant plusieurs années dans un bois de 28 Ha, près d’Oxford en Angleterre. L’endroit réunit plus de 200 nichoirs à mésanges, ce qui a facilité la récolte de données très précises.

Ce travail a révélé qu'il y a chez les arbres des lève-tôt et des lève-tard. En effet, la date d’apparition des nouvelles feuilles et leur vitesse de développement sont étonnamment variables parmi les chênes d’un même bois. L’abondance des chenilles étant étroitement corrélée au rythme de croissance des feuilles, la quantité de nourriture disponible pour les mésanges n’atteindra donc pas son maximal partout au même moment.
Les feuilles de chêne n'apparaissent pas toutes au même moment : zones de bourgeonnement précoce (en bleu) et tardif (en rouge) dans le bois étudié (exemple ici du printemps 2007). Les points noirs représentent des nichoirs à mésanges. La date du pic d'abondance des chenilles, dépendante de l'apparition des feuilles, ne sera donc pas la même selon les territoires (carte extraite d'une figure de Hinks et al. 2015 - The American Naturalist).

On pourrait s'attendre à ce qu'une telle variabilité complique sérieusement les prédictions des oiseaux. Il n'en est rien, puisqu'ils règlent leur calendrier de reproduction sur ce qui se passe tout près de chez eux ! Leurs dates de ponte et d’éclosion sont corrélées à l’émergence des feuilles sur les arbres situés à moins de 50 m de leur nichoir. Ils ne tiennent manifestement pas compte du rythme des arbres plus éloignés.

Les dates d’accouplement des couples d'oiseaux varient donc selon les conditions offertes par leur territoire. Dans chaque cas, les oisillons écloront à la période qui leur fera profiter du maximum de nourriture. Les indices saisonniers qui paraissent les plus évidents, comme la température ambiante ou la durée des jours, ne sont donc pas les seuls utilisés par les animaux pour décider quand se reproduire. D’autres indices, plus locaux, sont donc nécessairement pris en compte par les mésanges pour caler leur cycle de vie sur celui des chenilles qui vivent autour de chez elles.


Référence : Hinks A. E., Cole E. F., Daniels K. J., Wilkin T. A., Nakagawa S., Sheldon B.C. 2015 – “Scale-dependant phonological synchrony between songbirds and their caterpillar food source”, The American Naturalist (doi : 10.1086/681572).

Julien Grangier

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