Un Vari noir et blanc (Varecia variegata) mange un fruit dans un sanctuaire animalier (photo Charlesjsharp, CC BY 3.0). |
A Madagascar, certains fruits, pourtant grands et comestibles, pourrissent au sol. Situation étrange car, si les plantes produisent de tels fruits, c'est normalement que des animaux les mangent et favorisent la dispersion des graines. Une nouvelle étude publiée dans PNAS montre que ces fruits sont en fait les vestiges d'un ancien mutualisme dont la disparition a de lentes mais profondes conséquences sur la composition des forêts.
Les pièces manquantes du puzzle sont des lémuriens. Tous n'ont certes pas disparu de Madagascar, mais les plus grands si. En tout, 17 espèces, dont beaucoup de lémuriens « géants », n’ont pas survécu à l’intensification des activités humaines à Madagascar au cours des deux derniers millénaires.
Crâne de Pachylemur insignis, un lémurien au moins deux fois plus imposant que les plus grandes espèces actuelles. Il aurait disparu il y a un peu plus de 1000 ans (photo Laurie R. Godfrey, CC BY-SA 3.0). |
Ce déclin de la faune est devenu un problème critique pour les plantes produisant de grands fruits, trop difficiles à ingurgiter pour les petits lémuriens restants. Des chercheurs ont accumulé des preuves du phénomène en étudiant la morphologie crânienne des lémuriens passés et actuels et en reconstruisant l’évolution de leur régime alimentaire. Les résultats montrent notamment que la forme du crâne et des mâchoires influence fortement la taille maximale des fruits que les primates consomment.
Les arbres du genre Canarium, par exemple, en font la douloureuse expérience. Au cours de l’évolution, les espèces sud-asiatiques de ce genre ont eu tendance à développer des fruits de plus en plus grands. Cette course au gigantisme a atteint son maximum à Madagascar, où l’action des lémuriens de grande taille a certainement renforcé ce type de sélection.
Fruits d'un arbre du genre Canarium (photo Forest and Kim Starr, CC BY 2.0). |
Mais ce qui était avantageux hier devient un sérieux handicap aujourd’hui ! Les lémuriens du genre Varecia, en danger critique d’extinction, sont désormais les derniers lémuriens frugivores assez grands pour consommer couramment ces fruits. S’ils disparaissent, les Canarium deviendront, comme bon nombre d’autres plantes malgaches, orphelines des partenaires qui autrefois les dispersaient. Leurs populations seraient alors condamnées à se recroqueviller lentement sur elles-mêmes, au risque de disparaître à leur tour.
Un lémurien du genre Varecia dans la réserve naturelle de Betampona, à Madagascar (photo Adam Britt, CC BY 3.0). |
Référence : Federman S., Dornburg, A., Daly D. C., Downie, A., Perry H. P., Yoder A. D., Sargis E. J., Richard, A. F., Donoghue, M. J., Baden A. L. 2016 - “Implications of lemuriform extinctions for the Malagasy flora”, PNAS, sous presse (doi: 10.1073/pnas.1523825113).
Julien Grangier
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