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lundi 1 décembre 2014

14_Les pierres sont vivantes




« Elle nous reçoit quand nous naissons, une fois nés elle nous nourrit puis nous soutient toujours, et finalement nous embrasse en son sein lorsque le reste de la nature nous a déjà reniés et nous couvre plus que jamais comme une mère […] Elle est en effet la seule partie de la nature à l’égard de laquelle nous soyons ingrats. Pour quels plaisirs et pour quels affronts ne sert-elle pas l’homme ? On la jette dans les mers, ou bien on la ronge pour faire passer des canaux. Elle est tourmentée à tout moment par l’eau, le fer, le feu, le bois, la pierre, le grain, et pour pourvoir à nos plaisirs […] »
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre II 




Comme le dit si bien Pierrick Graviou, qui a dirigé ce dossier, « Les cailloux sont partout ! » Ils sont même si présents qu’on les a longtemps oubliés…

Comme à sa vieille habitude, l’homme s’est longtemps seulement préoccupé des roches qui lui étaient profitables (métaux, gemmes, pierres de construction), dommageables (volcans, tremblements de terre) ou “vraiment bizarres” (fossiles). Curieusement, toutes ces choses n’avaient pas de rapport entre elles. Dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien regroupe dans le livre II l’astronomie, la météorologie, l’hydrographie et la géologie. Les métaux, pierres précieuses ou de construction sont rejetés aux derniers livres de cette somme. Si la Terre lui a inspiré des élans passionnés (voir citation), on sait qu’elle ne s’en souviendra pas lorsque le Vésuve “l’embrassera en son sein bien avant l’heure. Notez qu’à la fin de cette citation, la pierre fait partie des tortionnaires de la Terre… lorsqu’elle est manipulée par l’homme, bien sûr.

Précédé de nombreuses générations de mineurs, de maçons, de troglodytes, de sculpteurs, de tunneliers ou de géographes il est d’usage de dater l’apparition du premier véritable géologue du XVIIIe siècle, l’Écossais James Hutton. Car, pour comprendre les liens entre fossiles, gemmes, volcans ou plissements, il était nécessaire de pouvoir donner aux montagnes, déjà colossales, de nouvelles dimensions tout aussi démesurées que sont celles du temps et même du mouvement. Du Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne, la Genèse ne laissait pas assez de temps aux montagnes pour surgir, aux vallées pour se creuser ou aux animaux pour se pétrifier. Si c’est la géologie qui a sans doute le plus souffert de ce carcan, c’est aussi elle qui lui a donné le coup de grâce. Rendons-lui hommage et souvenons-nous que si Charles Darwin n’avait pas lu les Principes de Géologie de Charles Lyell (encore un Écossais) à bord du Beagle, la face de l’histoire de la biologie en aurait été changée.

Oui, les cailloux sont partout, même dans les sciences, car la géologie est l’essentielle base du vivant. Et les géologues, qui savent manier dans les trois dimensions (et à des échelles qui nous dépassent) une succession d’événements qui s’accumulent, s’entrechoquent, s’effondrent puis s’érodent – là où je ne vois qu’un tas de cailloux –, pourraient légitimement en tirer une certaine arrogance. Et pourtant non, car ce sont des gens discrets (et bons vivants) ravis de partager leur passion et de vous montrer, à travers ces pages, combien les pierres ont influencé et servi tant de formes du vivant, dont la nôtre, et combien la géologie est l’indispensable clé pour comprendre tant d’autres choses.
Cécile Breton

Mineurs posants fièrement sur leur tas de cailloux (Mines de cuivre du Michigan, 1905, cliché A. F. Isler/MinchiKeweenaw National Historical Park/Creative Commons).

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